Epoque épique
Si certains d'entre vous m'ont catalogué, à la lecture de mes billets, comme un vieux réac passéiste capable d'une absolue mauvaise foi, force est de constater qu'ils... n'ont pas complètement tort. Je suis, il faut le reconnaître, et parce que ça m'arrange plus que ça ne me coûte, assez coutumier du "c'était mieux avant" lorsqu'il s'agit de me prononcer sur le premier problème de société venu.
Pourtant, au fond de moi, je sais bien qu'il y a toujours eu de bonnes raisons de se plaindre de la direction que prenait l'humanité, et que des grognards pour le faire, il n'en a jamais manqué. Toujours en nombre suffisant, mais finalement jamais trop. Car évidemment, on ne naît pas râleur, on le devient. Moi non plus, je n'ai pas toujours été comme ça (je le précise parce que certains ont déjà émis l'idée que je sois tombé dedans quand j'étais petit, avec toutes les conséquences que vous connaissez si vous aimez Goscinny et Uderzo). En fait, pas du tout. Au contraire, quand j'étais jeune, j'avais un optimisme démesuré, adapté à l'insouciante allégresse de mon statut d'enfant gâté dans une famille de Bisounours.
Et puis vous savez ce que c'est, on est tous passés par là, le temps a fait son office, des portes - beaucoup de portes - ont rencontré ma jolie petite gueule de naïf, et j'ai fini par comprendre que le monde n'était qu'une vaste pétouillade qui voguait depuis sa création d'excès en excès, avec ses menteurs, ses illuminés, ses psychopathes, ses fous de guerre...
Il y a quelques jours, j'ai entendu une chanson d'un monsieur dont je me suis aperçu que je ne possédais aucun album dans ma discothèque personnelle. Et je l'ai immédiatement regretté car je l'apprécie beaucoup (eh oui, chez Charlie, parfois, on sait dire autre chose que "j'aime pas"). Je le place au rang des plus grands artistes du siècle, rien de moins, et j'estime qu'il le mérite car au cours de sa longue carrière, tout en amusant des générations de rêveurs, il s'est toujours astreint à dénoncer, avec beaucoup d'humour et d'intelligence, les inepties qui ravagent la nature humaine.
Ce monsieur s'appelle Pierre Perret.
Et sa chanson, qui doit dater de 1984 ou quelque chose comme ça, n'a pas pris une ride. Elle ne parlera pas forcément à ceux qui n'ont pas vécu cette époque, mais pour peu qu'ils connaissent un minimum l'histoire récente de notre beau pays, elle devrait au minimum les faire sourire. Quant à moi, plus je l'écoute, plus elle me conforte dans l'idée que piquer une bonne gueulante, de temps en temps, ça ne fait vraiment pas de mal...
Quelle époque on vit !
Je vais me laisser aller
Ce soir mes chers amis
Je vais vous déballer
Mes petites nostalgies
Quand Jeanne la Lorraine
Etait pas dans Playboy
Et les quatre filles du Roi
A Cocoricoboy
(Refrain)
Ah quelle époque on vit
On se demande un peu
Ce que fout le bon Dieu
Nos belles n'ont que faire
Des dames du temps jadis
Ni de ces jolies bergères
Qu'avaient pas le moindre vice
Elles quittent leur province
Avec Africatours
Pour éponger les princes
A un bâton par jour
(au Refrain)
Nous n'irons plus au bois
Les travelos sont coupés
Ils ont chopé le sida
Ils sont à la Pitié
La mère-grand du chaperon
A fini au fast-food
Et les trois capitaines
Sur une mine à Beyrouth
(au Refrain)
La belle au bois dormant
Qu'on prit pour une fainéante
Elle vend des ouragans
Le soir au top 50
Barbe-Bleue sur la Une
Fait brûler ses biftons
Cendrillon bourre de thunes
Sa valise en carton
(au Refrain)
La lampe d'Aladin
A incendié Kaboul
Et l'enchanteur Merlin
Nous vend ses cages à poules
Et la Mère-l'oie qui nous
Prend tous pour des malades
Nous conseille de nous
Tremper le cul dans l'eau froide
(au Refrain)
La femme de Neptune
A rencontré Ulysse
Et au clair de la lune
Ils font sauter Greenpeace
Ils dirent au procureur
Qu'on leur promit du blé
Chez les quarante voleurs
Qui siègent à l'assemblée
(au Refrain)
Nos reines de Saint-Tropez
Qui sniffent la cocaïne
Quand elle rendent la monnaie
Se font faire des liftings
Aujourd'hui c'est normal
Quand on veut des joues plates
On vous remonte le trou de balle
Entre les omoplates
(au Refrain)
Quand la perfide Albion
Commande Pénélope
A toutes les deux elles font
Une belle paire de salopes
Elles partirent aux Malouines
En culotte de satin
Pour refiler la chtouille
Aux braves Argentins
(au Refrain)
A coups d'accordéon
De musique et d'argot
Je m'en vais faire alliance
Avec le roi Renaud
Pour bouter les Rosbifs
Et même les Amerloques
Qu'arrêtent pas de nous gonfler
Avec leur putain de rock
Ah quelle époque on vit
On se demande un peu
Ce que fout le bon Dieu !