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Ce sera sans moi !
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6 octobre 2009

Prenez le temps d'aller vite, épisode 2

telephone

- Mais alors qu'est-ce que tu vas faire ? Tu vas lui envoyer un recommandé ? ... Mmmmh... Oui... Bon, de toute façon, s'il ne répond pas, tu peux entamer l'action en justice... Mmoui... D'accord... Là ? Non non, j'ai terminé, je suis dans le train, j'en profite, j'ai du temps. Au fait, tu as eu des nouvelles de Sandrine ?

Lorsque je prends place sur mon siège, la conversation est déjà entamée, semble-t-il, depuis un bon moment. Et je ne sais pas pourquoi, quelque chose me dit que ça va durer.

- Elle terminait à quelle heure aujourd'hui ? ... Sans doute, sans doute. Mais elle n'a pas appelé ? Bon, ce n'est pas grave, je vais essayer de la joindre.

La voix est haut perchée, le volume aussi. Je détaille ce que je vois derrière le téléphone. La pipelette arbore une petite cinquantaine fripée, des cheveux gras, une immonde écharpe boulochant sur une veste en faux cuir qui a dû, jadis, avoir une forme.

- Allô Sandrine ? C'est moi. Bon, tu es bien rentrée ? ... Ah, et elle a fait les poussières du grand meuble aussi ? Très bien, très bien. Non parce que c'est ce que je disais à ton père, si elle ne convient pas, on demande immédiatement à en changer... Oui, voilà voilà... Ah, tu as eu ta note ? 9 et demi ? ... Oui, tu es déçue... Je comprends, ma chérie. Mais tu sais, c'est le début de l'année, c'est le premier devoir...

Je sors posément le PowerPoint que je dois relire, mon stylo, referme mon porte-documents. Un coup d'oeil alentour, je croise quelques mines de voyageurs qui n'en perdent pas une miette, eux non plus. Allez, soyons optimistes, elle va s'en rendre compte quand même...

- Mais bien sûr, ma chérie. En philo, on ne sait jamais... Ah, elle a dit hors sujet ? ... Mais toi, tu avais cette impression quand tu as rendu ta copie ?

Ses cheveux ont l'air de plus en plus gras. Et l'imprimé de son écharpe est à vomir. Je sens que ça monte. Doucement mais sûrement.

- Tu es peut-être partie dans une mauvaise direction, mais tu sais, en début d'année on ne peut pas savoir ce qu'attend vraiment le professeur... Pour ton frère, c'est exactement ce qui s'est passé, au début il ne savait pas comment prendre les choses, et tu te souviens qu'à la fin de l'année il était le meilleur de sa classe...

Bon. Maintenant le train roule. C'est quand le premier tunnel ? Ils ont vraiment fait de gros progrès, les opérateurs, maintenant tu captes partout même quand ça bouge...

- Mais non ma chérie, il ne faut surtout pas que tu te braques... Quelle est la moyenne générale ? Ils ont eu combien, les autres ? ... Ah oui... Et tes copines ? Tu sais, il faudrait que tu en parles avec elles...

- Voilà, c'est ça, le mieux c'est qu'elle en parle à ses copines.

C'est sorti d'un seul coup. Sans prévenir. Comme un accident, le doigt sur la détente de la Kalachnikov. Et instantanément, cheveux-gras dévisse son portable de son oreille et lève la tête vers moi.

- Je vous dérange ?

C'était bien ça. Cette conne ne s'est pas posé, l'espace d'une seconde, la question de savoir si sa vie, celle de son mari en redressement judiciaire, sa femme de ménage incompétente, sa fille aussi philosophe qu'un verre à dents, pouvait revêtir un quelconque intérêt pour la voiture 17, et méritait de ce fait d'être exhibée à 75 décibels. Elle tombe des nues.

- Oui madame, effectivement vous me dérangez, et je crois que je ne suis pas le seul. Et dans la mesure où votre conversation, pour le peu que j'ai pu en saisir, ne présente aucun caractère d'urgence...

Et là, moment exceptionnel comme il n'en arrive - du moins c'est ce que j'imaginais - que dans les films. Je suis interrompu par la petite musique de la SNCF qui retentit dans les hauts parleurs, avant qu'un homme à la voix assurée, grave et péremptoire, annonce : "Mesdames, Messieurs, pour le bien de tous, nous vous invitons à passer vos appels téléphoniques sur les plates-formes".

Regard bas, appui long sur le bouton "éteindre". A 50 ans tapés, madame Sans-gêne vient de prendre une leçon de politesse.

Je n'ai aucun doute, malheureusement, sur le fait qu'elle aura la mémoire courte, et recommencera à faire chier le monde à la première occasion.

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Commentaires
C
Si ça a avait été toi, ma chère Girl, j'aurais été encore plus virulent :-)
A
C'etait moi. Nous avons donc fait connaissance
H
SPLENDIDE.
M
Sartre avait donc raison : l'enfer c'est les autres.
K
hihihi!!! Tu n'as pas ta langue dans ta poche dis donc! Mais moi je fais comme Loulou, je mets mon MP3 sur les oreilles et essaye d'ignorer le monde qui m'entoure ;-P
Ce sera sans moi !
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