Tout droit dans le mur
Je vais vous le dire franchement, si on m'avait
prédit un jour que j'en arriverais là, j'aurais méchamment rigolé. Je
me croyais irréductible, indéboulonnable. Drogué, quoi. Le point de non
retour me semblait dépassé depuis bien longtemps.
Et puis voilà, ça y est, c'est décidé. Je ne regarderai plus jamais un
Grand Prix de F1. Bon sang, rien que de l'écrire, ça me hérisse le
poil, mais c'est ainsi. Après 25 ans de passion, d'émotion, de coeur
qui bat la chamade et de bras levés en l'air, on referme le ban. La
raison de tout cela, je n'ai pas besoin de vous la dire, si vous lisez
un peu les journaux vous la connaissez. Au pire, vous pourrez vous en
faire une idée en lisant ce papier.
Je ne sais pas ce qu'il faut souhaiter à ce sport qui, au-delà de
l'éclosion de champions exceptionnels et de formidables moments de
suspense, a tant fait pour l'industrie automobile, en tant que vitrine
technologique et sécuritaire du monde roulant. Mérite-t-il de
disparaître en même temps que les dangereux imbéciles qui l'ont conduit
à devenir ce qu'il est aujourd'hui ? L'équipe Renault doit-elle survivre à Flavio
Briatore ? Quelle réglementation doit-on mettre en place pour que de
telles tricheries ne se reproduisent plus ?
A vrai dire, je m'en fous totalement. C'est invraisemblable mais cette
discipline que je défendais bec et ongles, jadis, lorsqu'on m'objectait
que ça coûtait des fortunes, que ça polluait la planète, que ça
flinguait les déjeuners de famille avec ces putains de départs à 14
heures, à présent je m'en tape comme de ma première dent de lait.
Incapable d'argumenter, de dire que ces hommes sont des virtuoses,
qu'ils ont des instincts de magiciens, que leurs capacités de
concentration et d'anticipation font d'eux des êtres à part. Pourtant
tout cela est encore vrai. Mais ces qualités ne pèsent plus rien face
aux enjeux financiers des championnats d'aujourd'hui, qui transforment
les patrons d'écuries en mafieux et les pilotes en pantins.
Est-ce que la F1 redeviendra un jour ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être : un sport de gentlemen animés par un esprit chevaleresque ? On peut toujours rêver. En tout cas c'est Pamela qui va être contente, on va enfin pouvoir faire quelque chose le dimanche après-midi.